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Un précieux coffret à bijoux

Dimanche 28 janvier 2024

Japon époque Édo, c. 1640-1660

Japon, époque Édo, style Pictorialiste

Coffret à bijoux en pagode, vers 1640-1650

en laque toute face maki-e or et argent sur fond noir, à décor en relief de scènes de chasse en hiver, de joueurs de go et d'un artiste peignant, d'un combat de coq et d'oiseaux volant. De forme rectangulaire, il est flanqué de piliers aux quatre angles. La serrure en façade commande l'ouverture du couvercle aux pans concaves, dont le dessus coulisse pour révéler un compartiment. Fonds d'aventurine nashiji à l'intérieur. L'un des côtés du coffret mobile découvre un tiroir secret. L'intérieur, orné d'enfants aux lanternes, était anciennement foncé d'un miroir. Il repose sur quatre pieds boules.
Riche ornementation en métal ciselé et doré. Serrure probablement européenne.

Haut. 33,5 Long. 37,5 Larg. 28,5 cm.
(manque la clé)

Provenance : collection monégasque.

Japan, Edo Period, ca. 1640-1660. A pagode-shaped lacquered jewellery box. Gilded metal mounts.

Œuvres en rapport :
- Coffret aux piliers d'ivoire, 1640-60, Tokyo National Museum, Japon ;
- Coffre aux pagodes dans un paysage, The Burgley House Collection (JWA09038), Stamford, Royaume-Uni ;
- Coffret à bijoux, Palais Wilanowski, Musée du Roi Jean III, Varsovie, Pologne.

Bibliographie :
- Stéphane Castelluccio, Le goût pour les laques d'Orient en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Editions Monelle Hayot, 2019, fig 64 pp. 124-126 pour un modèle comparable ayant appartenu à la duchesse de Mazarin ;
- Olivier Impey, Christiaan Jörg, Japanese Export Lacquer 1580-1850, Amsterdam, Hotei Publishing, 2005, n° 388a, les 11 exemplaires comparables reproduit pp. 168-171 ;
- Meiko Nagashima, "Export Lacquer: Reflection of the West in Black and Gold Makie = Japan Makie , Kyoto National Museum, Kyoto, 2008, un modèle comparable reproduit sous le n° 180, p. 185 et p. 328 .

Les coffres à bijoux en laque du Japon

Le goût pour ces coffrets en laque de petite taille et de grande qualité est essentiellement féminin sous l'Ancien Régime. On trouve ainsi au château de Versailles la collection de boîtes en laque du Japon de la Reine Marie-Antoinette, dont aucune n'est toutefois aussi luxueuse que cet exemplaire. Réalisé au Japon dans les années 1640-1650, dans le nouveau style dit Pictorialiste mis en place pour la Compagnie des Indes Orientales Néerlandaise, ce coffret en pagode a probablement été agrémenté en Europe au XVIIIe siècle d'accessoires en cristal, argent ou or pour en faire un nécessaire à écrire, de toilette ou un coffre à bijoux. Le marchand mercier Gersaint en fait la publicité suivante en 1747 : " boëte de forme presque quarré est d'un fond d'ancienne aventurine orné de branchages de relief surdorés. Elle est propre à faire une magnifique cave ou un nécessaire". Madame de Pompadour avait elle-même choisi un "coffre en laque fermant à clé et à trois tiroirs pour serrer ses diamants", acheté 400 livres, chez Lazarre Duvaux en 1754. La marquise possédait au moins trois autres boîtes en laque noir et or semblable à celle-ci pour conserver ses pièces d'or, ou transformées en encrier, comme celle dans la vente de la duchesse de Mazarin en 1781 (Castellucio, 2019, p.123).

Avec leurs luxueux décors en relief et leurs précieux piliers dans les angles, ces boîtes sont les plus riches exemplaires qui nous soient parvenus. Elles figurent dans les plus grandes collections, en Europe comme au Japon. Le Cardinal Mazarin conserve une seule paire de ces petits coffres "de verny de la Chine aussy en forme de tombeau l'un dont les collonnes aux encoigneures sont unies dorées et celles de l'autre a balustres doré et noir" (n°837). Si Impey et Jorg ont identifié 11 coffrets en pagode à travers le monde, dérivant de l'exceptionnel "Chiddingston casket" conservé à l'Amolean Museum d'Oxford, ce coffret est le seul dont les paysages soient agrémentés de personnages. Comme sur les quatre grands "coffres de Mazarin", à Londres, Amsterdam, Berlin et Moscou, de truculentes scènes de la vie du Japon ornent les panneaux de cette boîte : des joueurs de Go sont installés dans un jardin sur l’un des côtés pendant qu'un artiste peint de l'autre, des chasseurs à l'arc tirent à l'occasion d'un bat-l'eau sur des daims en façade, des oiseaux volent sur la face arrière et sur les côtés du couvercle tandis que des enfants facétieux montrent du doigt le reflet de sa propriétaire dans le miroir intérieur.

La poudre d'or sur fond noir utilisée pour décorer cette laque est ici employée avec de légers reliefs, montrant le haut niveau de maîtrise de l'atelier d'origine. Il faut en effet appliquer la sève de l'arbre urushi en d'innombrables couches successives, en la laissant sécher et en la ponçant à chaque passage, pour arriver à une telle épaisseur de décor, contrairement à la plupart des autres laques arrivés à la même époque du Japon qui restent plates. Dépourvue du nécessaire qui l’a un temps accompagnée, cette boite d’une très belle qualité et au décor unique est l’illustration parfaite du goût pour l’Orient et des échanges entre Est et Ouest au siècle d’Or.

Aymeric Rouillac
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