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Une gourde du désert dans le Loir et Cher

Samedi 13 avril 2024

Cette semaine, Françoise, de Vendôme, soumet à notre expertise un objet extra-européen reconverti en vase. L’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous faire voyager au Kenya, sur les bords du Rift.



Acquis sur une brocante, cet objet au charme brut et à l’origine artisanale porte encore sur lui les traces des outils qui l’ont vu naître. Ce grand pot est réalisé à partir d’un tronc d’arbre évidé puis retaillé pour en faire une panse renflée, à laquelle on ajoute de la peau tannée pour le fond et le capuchon. Ces deux parties en cuir sont maintenues au reste du corps par des lanières en cuir tressé. La peau de bovin est tannée avec du sable afin de la rendre imperméable. Le décor rayonnant, composé de bandes de petites gouttes et de cercles concentriques, est réalisé en pyrogravure à l’aide de clous.

Ces pots sont conçus par les femmes Turkana pour conserver de la graisse animale, du miel ou transporter des liquides lors de la traversée du désert aride. Les Turkana forment une population nomade vivant au nord-ouest du Kenya, sur les bords du lac Turkana, dans la vallée du Rift. C’est une population très mobile qui a adapté son matériel en développant ainsi toute une typologie de gourdes, et de pots munis d’anse. Votre objet, Françoise, à vocation utilitaire rythmant la vie quotidienne des Turkana, ne semble pas porter de traces d’usures. Il a pu être acquis sans avoir jamais servi, rejoignant ainsi les nombreux souvenirs de voyages, ramenés depuis le XIXème siècle par les occidentaux.

En effet, l’art et l’artisanat extra-européen ont beaucoup fasciné les artistes et les collectionneurs au cours du XIXème siècle et ont participé au renouvellement de l’art moderne. Apollinaire, Picasso, Matisse ou encore Breton et de nombreux artistes des avant-gardes vont acquérir des objets rituels notamment des masques venant d’Afrique et d’Océanie, et les exposer dans leurs ateliers. Picasso dira ainsi à sa compagne Françoise Gillot que c’est lors de sa première visite au Musée ethnographique du Trocadéro en 1906 qu’il « comprit que c’était le sens même de la peinture. Ce n’est pas un processus esthétique, c’est une forme de magie (…) le jour où j’ai compris cela, je sus que j’avais trouvé mon chemin ». Les artistes vont alors puiser dans l’art qu’ils appellent « primitif » en s’inspirant de la simplification formelle des images et du traitement brut des matières pour repenser leur travail.

Votre pot de transport Françoise, a probablement été réalisé pour des voyageurs, dans la seconde moitié du XXème siècle. Plusieurs modèles similaires sont régulièrement mis en vente ce qui permet de l’estimer, sous réserve d’expertise physique, autour de 60 euros. Une somme abordable pour cette gourde du désert qui pourrait peut-être tenter l’un des cyclistes qui seront de retour à Blois, lors de la soixante-troisième édition du Tour du Loir et Cher. Avis aux sportifs, le weekend s’annonce chaud, alors n’oubliez pas de vous hydrater !
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