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La chaumière de Blanche-Neige

Samedi 24 février 2024 à 07h

Cette semaine, Valery soumet à notre expertise une charmante peinture d’une chaumière isolée. L’occasion pour Philippe Rouillac, notre commissaire-priseur, de nous en dire plus sur l’histoire et la valeur de ce tableau.



« C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. » Avec cette description à la fois sommaire et juste, issue de son ouvrage Au centre de la Terre, Jules Verne décrivait l’hospitalité des habitants de la campagne picarde malgré l’important dénuement matériel qui était le leur à la fin du XIXème siècle.
Ce paysage semble être ici une huile sur toile d’une dimension moyenne, datant probablement du début du XXème siècle. Elle a sans doute été réalisée par une application des couleurs au pinceau visible, par le rendu relativement lisse de la toile, contrairement à une application au couteau qui permettait un jeu sur les textures mais qui suppose déjà une certaine maîtrise technique. L’œuvre porte peut-être une signature en bas à droite, à moins qu’il ne s’agisse d’un simple empâtement de peinture.

La construction est ici stéréotypée, avec une chaumière isolée et vacante, voire à l’abandon, puisqu’aucun personnage ne vient animer la scène et aucune vie ne semble provenir de la chaumière. Elle est bâtie à l’aide de pierres et sans doute, du chaume ou des tuiles pour le toit une haute cheminée figure sur le côté de la demeure. Ces éléments de construction, associés au chemin de terre et aux deux arbres encadrant la maison, participent à renforcer l’aspect presque caricatural de cette chaumière. Sans doute inspirée par des images qui circulaient beaucoup au moment de sa création telles des cartes postales imaginaires ou celles tirées d’œuvres comme les contes de fées, cette bâtisse ne semble pas se rattacher à une région ou un contexte particulier de par son architecture. Elle se rapproche plus de l’image d’Épinal de la maison isolée à la campagne. En effet, la chaumière est, dans l’imagerie populaire, un lieu réconfortant et protecteur pour éviter les dangers de la forêt. A titre d’illustration, le Petit Poucet, Hansel et Grettel ou encore Blanche-Neige se réfugient tous dans une chaumière en lisière de la forêt pour échapper aux dangers que celle-ci renferme. La demeure est ainsi vue comme la dernière trace de civilisation avant d’entrer dans le monde sauvage et d’affronter ses périls. Ainsi, dans sa recherche d’un abri, Blanche-Neige doit se réfugier dans la maison des nains, seule habitation qu’elle trouve dans la forêt. Elle y trouve alors une cachette pour échapper provisoirement à la colère de la reine.

Toutefois, il convient aussi de noter que le tableau est inspiré par certains codes issus de la peinture classique. En effet, il convient de noter que le ciel et la terre occupent chacun la moitié de la composition, tandis que la maison qui constitue le cœur du sujet se retrouve légèrement excentrée vers la droite, une lumière naturelle provenant de la gauche du tableau éclaire la scène. On retrouve ici l’influence des paysagistes hollandais du XVIIème siècle dans ce type de construction, à la manière de Ruisdael. En effet, les codes établis par ces peintres auront une forte influence sur la formation des artistes adeptes de ce type de sujets et influenceront profondément ce genre artistique pour une longue période en particulier en Europe du Nord. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les contes de fées sont souvent tirés de légendes orales germaniques et que lors de leur mise par écrit, les artistes originaires de ces pays comme les Frères Grimm, utiliseront ce type d’image pour développer leurs récits. Walt Disney réutilisera également ce type de composition pour ses films qui feront connaître les contes de fées au monde entier.

Œuvre d’un peintre anonyme ayant sans doute représenté un lieu familier ou lui évoquant certains souvenirs, ce tableau est certes sympathique, mais ne revêt pas une grande recherche esthétique. A défaut de pouvoir identifier le peintre, il convient de rester prudent sur son estimation qui pourrait s’élever à quelques dizaines d’euros. Cette somme paraît certes modique mais est suffisante pour vous offrir des places pour le Salon de l’Agriculture qui ouvre ce samedi à Paris et vous permettra de découvrir le monde rural.
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